Voici l'article paru Lundi 22 janvier, concernant la conférence qui s'est tenue le samedi 20 à la FAC.
Outreau, révélateur du malaise: Mélanie Papillaud
« Tout ce monde mis en cause, tous ces dysfonctionnements... Je me suis toujours dis qu'Outreau resterait un cas d'école. En fait, l'affaire a servi de révélateur à un malaise plus profond. Elle est le reflet du fonctionnement habituel de notre institution judiciaire. »
Une institution qui, s'appuyant sur le témoignage de Myriam Badlaoui et de ses quatre fils, a mis en cause treize personnes. L'une des plus grosses erreurs judiciaires en France. Dans la mémoire collective, ils sont « les acquittés d'Outreau ». Dominique Viel, prêtre ouvrier, fait partie de ceux-là. Ce samedi et pour la première fois, c'est à l'invitation des étudiants de l'Institut de promotion et de formation pour la médiation qu'il est venu en Charente.
Rumeur. Sans pathos et avec pudeur, Dominique Viel raconte sa plongée au sein de l'univers carcéral français. C'est en 2001, alors que « la rumeur tournoyait dans le quartier » depuis quelques mois que sa vie bascule. Interpellé chez lui, à son réveil par deux gendarmes, qui mettent à sac son appartement. « J'habitais la tour Renard, j'ai tout de suite compris. »
Mis en garde à vue pendant deux jours, il choisit de garder le silence. Son frère va lui trouver un avocat auquel il s'accrochera « comme à une bouée de sauvetage ». Quand on le présente au juge, le procureur l'accuse « des pires turpitudes ». Il est envoyé en détention. « Comme une formalité. Ca m'a sauté aux yeux : la décision avait déjà été prise ».
Première étape dans le cauchemar : la prison de Maubeuge. Il partagera sa cellule avec « un habitué » qui deviendra son « ange-gardien », son « initiateur ». Celui qui le met en garde et le prévient. « C'est là que j'ai appris ce qu'était la prison. »
Après un mois, direction Fleury-Mérogis. « L'arrivée en enfer ». Il est placé en isolement, avec une quinzaine d'autres détenus. « Je vis en attendant les parloirs. J'ai de la chance, ma famille me soutient. Ils seront là à chaque fois. Ils me maintiennent. »
Caillassé. Il passera deux ans à Fleury. En 2004, six mois avant le procès, on le renvoie à Saint-Omer. Mais là-bas désormais, on sait qui il est. « Je suis en train de jouer aux cartes dans un coin avec quelques détenus. L'un après l'autre, ils se lèvent. Je me retourne. L'ensemble des détenus regarde la scène. Et trois ou quatre me jettent des pierres. » C'est pour le prêtre, la période la plus difficile.
« Je vais connaître les mêmes moeurs que ce qui existe dans toutes les prisons françaises », lâche-t-il. Aujourd'hui, Dominique Viel n'a de cesse de témoigner. D'abord dans un livre « Que Dieu ait pitié de nous », paru en juin dernier. Et puis devant ceux qui le lui demandent. « Des groupes très différents, du Rotary Club aux cercles politiques. » Ca le fait sourire. Mais il en est persuadé, si on fait appel à lui « c'est que les citoyens sont inquiets de l'état de l'institution judiciaire ». D'ailleurs, si différents soient-ils, « tous me posent toujours les mêmes questions ». Lui ne décrypte pas les dérapages succeccifs. Il n'a pas de réponses. « Il y a des choses qui m'échappe... ». Depuis son acquitement à Paris en 2005, l'abbé Viel est retourné vivre à Outreau, « pour ne pas laisser une ombre de suspicion. »